đ Les affiches corĂ©ennes de Macbeth : quand lâespace nĂ©gatif devient un masque de théùtre
La piĂšce Macbeth de Shakespeare a inspirĂ© dâinnombrables interprĂ©tations au fil des siĂšcles. Mais rarement une affiche nâaura autant captĂ© lâessence de cette tragĂ©die que celles du Théùtre National de CorĂ©e, conçues pour la reprise estivale de la piĂšce du 13 juillet au 18 aoĂ»t 2024. Ces visuels audacieux ne sont pas seulement beaux : ils racontent lâhistoire, jouent avec notre perception, et rĂ©vĂšlent une lecture profonde du drame shakespearien.
đŒïž Une double affiche qui joue sur le miroir et la symĂ©trie
Les affiches se prĂ©sentent en diptyque : lâune montre Macbeth tenant Lady Macbeth de dos, lâautre Lady Macbeth dominant Macbeth, penchĂ© vers elle. Cette inversion de posture illustre Ă elle seule la dualitĂ© des personnages et le renversement progressif des rĂŽles : lâinfluence de Lady Macbeth, puis la prise de pouvoir de Macbeth.
Mais ce nâest quâau second regard que lâon perçoit le vrai gĂ©nie graphiqueâŠ
đĄ Lâespace nĂ©gatif devient un masque
Au centre de chaque affiche, le dos nu de Lady Macbeth (soulignĂ© par la coupe dramatique de sa robe noire) crĂ©e, par illusion optique, la forme dâun visage stylisĂ©. Ce visage nâest pas rĂ©el, mais gĂ©nĂ©rĂ© par lâespace vide entre les tissus, la coiffure et la peau nue. On croit voir un masque abstrait.
Ce procĂ©dĂ©, appelĂ© espace nĂ©gatif, est souvent utilisĂ© en design pour suggĂ©rer une seconde image invisible au premier coup d’Ćil. Ici, il prend tout son sens.
đ Une allĂ©gorie visuelle du masque, de la duplicitĂ© et du théùtre
Le masque, dans Macbeth, nâest pas un simple accessoire : il est mĂ©taphore du pouvoir, du mensonge et de la manipulation.
âAvec un sourire, nous trompons le monde. Nous cachons nos mauvaises intentions derriĂšre un masque.â
Cette phrase, inscrite sur les cĂŽtĂ©s des affiches en corĂ©en, souligne parfaitement la façade trompeuse que prĂ©sentent les protagonistes. Lady Macbeth se fait passer pour une Ă©pouse loyale. Macbeth joue au noble serviteur. Mais dans lâombre, le sang coule, les ambitions sâexacerbent, et les apparences sâeffondrent.
đ EsthĂ©tique : noir, or et rouge sang
Le choix chromatique nâest pas anodin :
- Noir : la mort, la tragĂ©die, lâobscuritĂ© psychologique.
- Or : le pouvoir, la royautĂ© usurpĂ©e, lâillusion de grandeur.
- Rouge (rideaux et ongles) : le sang, la violence, la passion destructrice.
La mise en scĂšne sobre, les tissus somptueux, et la lumiĂšre douce crĂ©ent une tension contenue, digne dâun thriller. Tout semble calme⊠mais tout hurle.
đ§ Une affiche intelligente, universelle, intemporelle
Ce qui rend ces affiches particuliĂšrement remarquables, câest leur capacitĂ© Ă raconter une histoire visuelle sans aucun mot. Nul besoin de connaĂźtre le corĂ©en ou dâavoir lu Shakespeare : lâimage parle. Elle invite Ă rĂ©flĂ©chir, interroge notre regard, et offre plusieurs niveaux de lecture.
En cela, elle dĂ©passe son rĂŽle de simple support promotionnel : elle devient Ćuvre dâart Ă part entiĂšre.
đ Ce que cela nous enseigne sur la communication visuelle
Ces affiches corĂ©ennes de Macbeth rappellent que le design visuel peut ĂȘtre narratif. Ă lâĂšre des images jetables et des visuels surchargĂ©s, elles prouvent quâil est possible de faire simple, Ă©lĂ©gant, et profond Ă la fois.
- Lâespace nĂ©gatif nâest pas un vide : câest une forme cachĂ©e.
- Le théùtre nâest pas quâun spectacle : câest une mise en abyme du masque humain.
- Une affiche peut ĂȘtre un Ă©cho visuel du rĂ©cit quâelle illustre.
đŹ Conclusion
Les affiches corĂ©ennes de Macbeth sont bien plus que des visuels publicitaires. Elles sont une synthĂšse brillante du théùtre, du design, de la psychologie et du symbolisme. Une Ćuvre qui mĂ©rite dâĂȘtre Ă©tudiĂ©e autant que la piĂšce elle-mĂȘme.
Dans le monde du théùtre comme dans celui du cinĂ©ma, lâimage a le pouvoir de rĂ©vĂ©ler ce que les mots taisent. Et dans ce cas prĂ©cis, elle nous murmure une vĂ©ritĂ© glaçante : « le masque est dĂ©jĂ en place, et le drame est en marcheâŠÂ »
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